"Pas Chilienne mais Pascuane !..."

Drapeau pascuanSi Hanga Roa ne présente qu'un intérêt limité, la capitale de l'île a tout de même le mérite d'être entièrement aux mains des Pascuans. Ici, aucune propriété, aucun magasin ne peuvent en effet être vendus à un non-pascuan. Soucieux de préserver une identité très marquée, le seul attrait de l'argent ne dicte pas (encore?...) leurs décisions. Aussi, l'île garde-t-elle son authenticité, loin des concepts 'resorts' et du 'tout pognon'.
Les familles, érigées ici en véritables clans, ont un pouvoir considérable. Elles sont les garants de la survivance d'une culture extraordinaire. Bien que chilienne, l'île de Pâques est avant tout et surtout pascuane. Ici encore plus que sur toute autre île de la planète, on se sent différent des terriens du pays auquel on appartient.Ecriture pascuane ou Rapa Nui
Rattachée au Chili depuis 1888, l'île de Pâques n'a en fait aucune culture commune avec ce pays distant de près de 4000 kms. Jusqu'au milieu des années 60, le colonisateur n'a cessé de traiter les Pascuans en citoyens de seconde zone, allant même jusqu'à interdire la jouissance de la terre de leurs ancêtres en les parquant dans une zone d'où ils ne pouvaient sortir sans laisser-passer… Malgré l'imposition de la langue espagnole, la 'chilenisation' des Pascuans n'a jamais pu se réaliser.
A l'heure actuelle, on assiste même à un regain d'intérêt pour la tradition et à une certaine reprise d'identité que l'on s'était efforcé de vouloir leur faire perdre. L'incontournable festival de la 'Tapati Rapa Nui' qui se déroule chaque année fin janvier -début février, est une preuve éclatante de cette volonté d'exister aux yeux du monde. Au programme, musique, danse, costumes et jeux traditionnels, concours de kaï-kaï -cette étonnante technique ancestrale qui vise à composer des figures au moyen d'une cordelette que les mains habiles d'une conteuse transforment en des formes savantes qui évoluent avec l'histoire racontée. Sur le papier c'est déjà étrange, imaginez un peu la réalité!...
En un mot, un véritable festival de Lorient local -le rendez-vous annuel de la culture celtique, pour les non-initiés- si l'on exclut l'incontournable concours de taille de moaïs qui est le clou du festival pascuan, alors que les dignes descendants d'Obélix n'ont pas leur place à son pendant breton !… (Messieurs les organisateurs du festival de Lorient, voilà peut-être une idée à développer…)
'La culture pascuane est trop forte' nous dira Clara, une Pascuane mais pas Chilienne, qui ajoute en nous donnant un précieux conseil :
Vestige des enclos à moutons
... avec le berger...'Si tu dis à un Pascuan qu'il est Chilien, ça va mal aller pour toi !' Détails de plaquette Rongo-Rongo
Et c'est vrai que ces deux 'pays' n'ont rien de commun sinon au niveau politique. L'isolement de ce peuple qui a vécu en totale autarcie pendant plus de mille ans, a en effet donné naissance à une véritable identité pascuane. Assise sur une culture unique transmise oralement de générations en générations jusqu'à nos jours, elle garde une authenticité qui n'a rien de commun avec un folklore que l'on conserverait pour la cause touristique. Notons en effet qu'il n'existe aucune trace écrite de la civilisation si on écarte les 21 plaquettes de bois sculpté, les rongo-rongo qui n'ont à ce jour pas trouvé de Champollion pour les décrypter. Si les Pascuans connaissent l'histoire de leur peuple et les traditions ancestrales, la culture pascuane est loin d'être seulement livresque. Bien qu'elle ne repose que sur une population d'à peine 3000 habitants, elle demeure étonnamment vivante, portée par une langue propre, le Rapa Nui. Héritée de leurs ancêtres, cet idiome proche de certains dialectes polynésiens demeure LA langue quotidienne, ciment indéfectible de leur identité, l'espagnol ne se parlant uniquement qu'en présence d'étrangers…
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