Vers minuit, nous décollons de Manaüs, toujours aussi
enthousiastes à l'idée de voler. Trois heures et demi plus tard
ponctuées par une escale à Rio Branco, nous atterrissons dans
le tout petit aéroport de Porto Velho où nous décidons
de finir la nuit. Allongée à même le sol, Caroline somnole
un peu tandis que Yannick attend le lever du jour dans un siège en plastique.
Après cette nuit blanche, nous ne pouvons envisager de poursuivre le
voyage en stop sans repos. Nos corps courbatus ont de la peine à supporter
nos sacs surchargés.
- S'il y a un bus pour Iguaçu aujourd'hui, tant pis, on le prend! lance
Yannick désabusé.
- OK, j'te suis! De toute façon, j'en peux plus! lâche Caroline
crevée.
A 6h, le premier bus local nous conduit
jusqu'au terminal d'autobus.
- Il y a un départ dans 20 mn, nous annonce le guichetier. Je vous mets
2 billets?
En un regard échangé, nous nous mettons d'accord.
-...
oui, 2 billets s'il vous plaît! poursuit Caroline.
Les enchaînements ont été rapides et les temps morts peu
nombreux depuis notre descente du bateau. En cassant une fois de plus notre
tirelire (726 frs/pers), nous venons d'acheter du confort, de la sécurité
et du temps. Nous regrettons de ne pas nous arrêter dans le Pantanal,
de ne pas passer d'avantage de temps à nous imprégner de ce pays
tellement accueillant qui ne cesse de nous surprendre favorablement. Ce pays
se révèle être un véritable coup de cur et
nous nous promettons déjà d'y revenir un jour pour le découvrir
en profondeur.
Et déjà le bus de luxe avale
les premiers des 2920 kms qui nous séparent de Cascavel (situé
à 150 kms d'Iguaçu), tandis que nous nous écroulons sur
les sièges aussitôt mis en position couchette... Aux antipodes
de celui qui nous avait conduit à Macapa (!), ce bus est en fait beaucoup
plus représentatif de l'excellent service qui couvre la totalité
du pays. Propre, confortable, ponctuel et sécurisant, le bus ne semble
avoir que des qualités. Alors que le transport ferroviaire n'existe pas
au Brésil (seuls quelques kms de ligne sont en service), c'est ici un
moyen de transport incontournable et extrêmement utilisé.
Ainsi traverserons-nous à près de 100 km/h les immenses plaines
agricoles du Mato Grosso et Mato Grosso del Sul. Que de regrets de ne pouvoir
nous y arrêter quelques heures, quelques jours et sentir ce pays de plus
près. Des 'fazendas', les ranchs à la brésilienne, s'étendent
parfois sur plusieurs milliers d'hectares.Les troupeaux de quelques centaines
de têtes vivent ici en quasi liberté, ne connaissant que le grand
air et l'herbe sauvage. Eh oui, rendez-vous compte, les bovins sont ici herbivores
et n'ont jamais -ça nous a été confirmé- goûté
aux saveurs exquises des farines animales...
- Non?
- Si si, j'vous jure!
- Eh bien, elle doit avoir un drôle de goût la viande!!
Le nez collé à la vitre, nous mangeons du regard ces paysages
grandioses à peine vallonnée, que seuls l'horizon ou de minuscules
montagnes arrêtent. A notre grand regret, les photos sont impossibles.
Pourtant nous aurions aimé fixé sur pellicule ces groupes de nandous
perdus dans cette immensité... C'est promis nous reviendrons! Ponctués
par les arrêts correspondance et repas, le voyage se poursuit dans le
luxe et le confort. Dès la nuit tombée, nous nous amusons à
trouver la Croix du Sud, marquant comme son nom l'indique le sud, comme l'Etoile
Polaire indique le nord dans notre hémisphère.Ainsi les kms s'ajoutent
aux kms, sans autre préoccupation que de vivre le moment présent...
Il est 4h du matin comme nous arrivons à Cascavel. Il pleut et la température
extérieure avoisine les 22°C, soit 5 à 7° de moins que
sur le fleuve. On se rapproche du sud et, en ce 23 avril, l'influence de l'automne
est ici plus sensible. Nous retrouvons donc avec plaisir nos polaires et gardons
les vestes de pluie à portée de mains.
En attendant le jour, nous déplions les tapis de sol que nous avions
presque oubliés depuis que nous utilisons les hamacs, et terminons la
nuit dans la gare routière , sous les regards amusés des voyageurs
et employés.
- Mais d'où sortent ces clodos?...