Mercredi
18 Avril
Aux premières heures du jour,
après une nuit ô combien réparatrice, nous réalisons
que nous sommes sur un des fleuves les plus mythiques au monde: l'Amazone.
Si le Maroni en Guyane nous avait paru large à son embouchure, nous savons
maintenant qu'il fait figure de ruisseau face au gigantisme de l'Amazone dans
sa partie inférieure où nous sommes. Composée d'innombrables
bras qui se croisent et se décroisent, elle est tour à tour une
mer immense dont les rives sont à peine visibles, et parfois une large
rivière dont nous frôlons les berges. Je devrais plutôt dire
'dont nous croyons frôler les berges' car nous ne savons jamais vraiment
où elles sont et si même elles existent. Une abondante végétation
flottante qui ondule à la vague et se déplace avec le léger
courant nous bluffe totalement.
De
temps à autre, quelques habitations solitaires ou regroupées en
villages nous rappellent que dans ces endroits reculés et joignables
seulement par voie fluviale, vivent des familles. Montées sur pilotis,
les maisons sommaires faites de bois n'ont en général qu'une seule
pièce.
En cette période de crue, les inondations ont envahi leurs propriétés,
ne laissant au sec que l'habitation principale. Jouant sur le ponton qui prolonge
la maison ou dans des canoës que notre passage fait danser sur l'eau, les
enfants s'amusent et nous font signe.
Dans les villages, des écoles extraordinaires donnent envie d'y retourner...
Elles sont réduites à une seule salle sans mur, ouverte à
tous les vents. Seuls des poteaux maintiennent le toit sous lequel tables, bancs
et tableau, élèves et maîtresse travaillent en pleine nature.
S'il est un lieu où l'école n'est pas coupée du monde et
s'intègre totalement au paysage, je crois que c'est ici, sur l'Amazone,
quelque part entre Santana et Santarem...
Au-delà du fleuve, la végétation très dense forme
comme un impénétrable rideau. Nature inextricable où la
main de l'homme n'a jamais mis le pied (excusez-moi, je l'avais sur le bout
de mon stylo!), le mystère de cette jungle amazonienne ne fait qu'ajouter
à la magie des lieux.
Collés derrière les rambardes de bois du pont qui donnent à
notre embarcation une allure de steamer du Mississippi, nous mangeons des yeux
les paysages fascinants que nous offre cette remontée. La proximité
des berges nous fait également découvrir une multitude d'oiseaux
dont les noms nous restent inconnus. Des impressionnants rapaces de plus de
2 mètres d'envergure aux aigles pêcheurs en passant par de superbes
échassiers immaculés aux perroquets, nous demeurons fascinés.
Malheureusement, le bruit du moteur nous interdit d'entendre distinctement toute
cette vie qui s'exprime. On la devine donc seulement derrière les centaines
de chevaux du moteur.
- C'est promis, la prochaine, on remonte l'Amazonie à la pagaie!...
Alors que le soleil se couche, le
fleuve joue une dernière fois avec la lumière, tandis que des
échassiers blancs pêchent sous nos yeux...
Mais la cloche de l'intendant vient de retentir, le dîner est servi. Plein
de couleurs et de rêves, nous retrouvons nos hamacs que le vent et le
bateau légèrement tanguer.
- Bonne nuit Caroline!