C'est
toujours avec le même émerveillement que nous retrouvons la Terre
de Feu, sur une route plus souvent en terre qu'asphaltée. Les yeux grands
ouverts, nous voulons une dernière fois profiter de ces moments magiques.
Un soleil radieux dans un ciel sans nuages sublime ces paysages extraordinaires
de ce quasi désert auquel seul l'horizon met un terme. Traversant une
dernière fois le détroit de Magellan où quelques dauphins
nous fait la fête, nous rejoignons sur l'autre rive la province de 'l'Ultima
Esperanza' (Le Dernier Espoir' en Français, drôle de nom pour une
province, non?). Pendant quelques centaines de kms , nous allons ainsi longer
ce détroit mythique, offrant des paysages à couper le souffle.
Si nous rencontrons nombre de guanacos et de nandous (sorte d'autruche sud-américaine)
sur les abords de la route, seules les oies sauvages venues ici chercher un
peu de chaleur (!) sont visibles aux abords de l'eau. A notre grand regret,
nulle colonie de pingouins de ce côté, le climat étant sûrement
trop tropical pour eux! Et pourtant la température ne décolle
pas beaucoup de zéro degré...
Il est 15h comme nous arrivons à Puntas Arenas. Si cette ville, presque
au même titre qu'Ushuaïa, résonnait dans ma tête comme
une destination magique, le rêve n'est que de courte durée.
Sans charme ni caractère, cette ville aux rues à sens unique immensément
larges donne envie de la fuir dès qu'on y entre. En ce 21 mai, jour férié
au Chili, l'atmosphère est particulièrement étrange: tous
les magasins sont fermés et nous ne rencontrons presque personne dans
ces rues glaciales. Seuls des groupes de miliaires - présents ici par
centaines- en tenue kaki hantent les rues, ajoutant encore à l'ambiance
pesante du lieu. Ici, tout est laid! Cette ville a même réussi
à rendre le détroit sans attrait, les rives jonchées de
débris et de matériel rouillé. Bref, la ville n'a vraiment
pour nous séduire et, vous l'avez deviné, nous n'avons qu'une
envie: rejoindre le parc de Torres del Paine vie Puerto Natales au plus vite!
Mais 230 kms nous en séparent encore, aussi décidons-nous d'y
rester une nuit... mais alors juste une seule nuit!!
Un froid glacial nous saisit dès notre sortie de l'auberge à 9h,
ce 22 mai. . Un rapide passage sur Internet pour relever 3 petits mails (seulement!)
et nous rejoignons la station de bus... pour apprendre que le prochain est dans
4 heures!
- On part en stop alors! Avec un peu
de chance, on sera arrivé avant lui, affirme Yannick optimiste.
Caroline, elle, n'est pas très motivée.
- Tu parles, pour gagner 4000 pesos (50frs) à deux, ça ne vaut
pas le coup! Et puis ça caille!!
- Ouais, mais tu vas voir, dans 3 heures on y est...
-.... Si tu veux...
Pas motivée pour deux sous, Caroline m'emboîte tout de même
le pas, assez pessimiste... En sortant de la gare routière, j'interpelle
un homme qui monte dans sa voiture:
- Excusez-nous, Monsieur, la sortie de la ville pour aller à Puerto Natales,
c'est dans quelle direction, s'il vous plaît?
- Vous allez à Natales? Je fais 30 kms dans cette direction, montez!
Comme quoi il suffit parfois d'y croire et d'avoir un peu de chance... Mais
encore 200 kms nous séparent de notre destination finale, le pari n'est
pas gagné!
Bien sympathique, notre homme nous dépose après 20 mn de route,
après avoir parlé de pêche à la mouche qu'il pratique
avec bonheur dans cette région où il est né.
- Voilà, vous êtes sur la route, il n'y a pas beaucoup de trafic
mais c'est la seule route vers Natales! Bonne chance!
- Gracias y Adios señor!
Plantés au milieu de rien, nous attendons notre premier véhicule,
transis de froid. Alors on fait les cent pas, tendant pleins d'espoir notre
pancarte aux rares véhicules de passage qui nous indiquent tous s'arrêter
un peu plus loin!
Une bonne épaisseur de glace recouvre les mares d'eau, le vent souffle
sans relâche... et on attend toujours...
-
Tu vas voir que le bus va passer avant qu'on ait bouger de là, lâche
Caroline, désappointée.
- Mais on! Tiens souris, v'là une voiture!
- Ouais, une de plus qui s'arrête dans 2 kms!
Et une heure passe, puis deux... quand- tout finit toujours par s'arranger-
un pick-up 4x4 s'arrête à hauteur de Caroline dont la beauté
glacé (!) a charmé...
- Puerto Natales? Montez!
Il est midi et le bus ne partira que dans une heure et demie...
- Tu vois, Caro?
- J'sens plus mes pieds!...