Les
sacs bouclés, nous franchissons la frontière brésilo-argentine
vers 11h00 ce 29 avril. Le moral gonflé à bloc, nous avons décidé
de traverser l'Argentine en stop. 1332 kms nous séparent de Buenos Aires
notre prochaine étape, et 4510 kms d'Ushuaia. Loin de nous affoler, nous
traduisons plutôt ces distances en rencontres à vivre, en paysages
à découvrir et en souvenirs inoubliables à graver dans
nos mémoires.
Le soleil tape fort et la température avoisine les 30°C. A l'ombre
des panneaux de signalisation, nous commençons à tendre le pouce.
Une heure, deux : rien! En ce dimanche après midi, nous n'espérons
pas de miracle. Les voitures familiales prennent peu des auto-stoppeurs chargés
comme des mulets, et si les repas dominicaux se prolongent autant que chez nous,
nous ne sommes pas partis! Alors nous décidons de marcher un peu, question
de se dégourdir un peu les jambes... en espérant trouver un endroit
plus propice. Et nous attendons une nouvelle heure... quand, vers 15h00, un
4x4 pick-up s'arrête.
- Vous allez à POSADAS? C'est bon, montez!
Le sourire jusqu'aux oreilles, nous grimpons dans la caisse arrière du
Toyota. Les cheveux au vent, nous avalons les kilomètres, profitant des
dernières températures estivales de notre séjour en Amérique
du sud.
Marcelo le chauffeur est médecin et, à 37 ans, la clinique qu'il
possède à Cordoba a fait de lui un homme riche - "j'ai gagné
beaucoup d'argent, et aujourd'hui je n'ai plus vraiment besoin de travailler!"
nous avoue-t-il simplement, sans prétention -. Joli cur, il a déjà
été marié deux fois : "C'est ma troisième femme!",
nous glisse-t-il dans un sourire en désignant Alejandra, une très
jolie femme de 18 ans sa cadette...
- On visite un peu le pays avant de ramener Alejandra chez ses parents à
San Miguel de Tucuman. Si ça vous dit, on peut s'arrêter visiter
une mine de pierres précieuses sur la route. Ça vous dit?
Très amicaux, nous acceptons avec enthousiasme leur proposition. Et nous
retrouvons bientôt accueillis à l'argentine dans une mini mine
à ciel ouvert, propriété d'une famille qui nous reçoit
comme des amis, alors que personne ne s'est jamais rencontré... Si la
bise à l'entrée nous étonne, le mini repas que nous partageons
avec eux avant de partir nous laisse pantois! Et tout cela après une
visite gratuite à l'issue de laquelle une seule pierre à 1 $ (7,40
F) a été achetée, et deux autres données...
-
Ça vous fera un souvenir de votre passage ici!
- Mais... c'est toujours comme ça en Argentine?? s'étonne-t-on
- C'est notre façon de recevoir les gens,
nous répond la femme dans un sourire.
En tout cas, Marcelo et Alejandra n'ont pas l'air plus étonnés
que ça, alors...
La nuit est maintenant tombée et la température se rafraîchit.
Aussi, nous regagnons l'habitacle du 4x4, où nous faisons plus ample
connaissance. Très sympas, nous plaisantons beaucoup ensemble, Marcelo
insistant pour apprendre des gros mots en Français. Gros mots qu'il distribuera
ensuite à tour de bras à chaque arrêt, juste histoire de
mieux les mémoriser!...
Au fil des kilomètres, nous formons maintenant une joyeuse équipe,
suivant la route qui s'offre à nous. Vers 23h00, inquiet de ne pas voir
Corrientès se rapprocher rapidement, Marcelo demande confirmation de
l'itinéraire dans une station service.
- Corrientès? s'étonne le pompiste. Vous n'êtes pas du tout
sur la route!! Vous avez loupé la route voici 150 kms!!
Nous partons dans un éclat de rire général!... mais il
faut bien se rendre à l'évidence!
- Bon! dit Marcelo, on va dormir à l'hôtel, on verra ça
demain! Si vous plantez votre tente ici, on vous récupère à
8h00 demain matin!
- Pas de problème, on sera là! répondons-nous en chur.
Le lendemain, à l'heure fixée, nous reprendrons place dans le
4x4 pour une autre demi-journée qui nous emmènera jusqu'à
Corrientès, ville où nos chemins se séparent.
En descendant du 4x4 pick-up, nous ressentons toujours ce sentiment étrange:
alors qu'on commence à bien s'entendre, la route nous sépare.
On voudrait bien souvent prolonger ses moments où on a déjà
ses repères. Mais on sait que l'adieu est tout proche et que l'inconnu
nous tend les bras. Le cur un peu serré, on s'embrasse et Marcelo
et Alejandra poursuivent leur route en nous saluant.
On se regarde, on sait ce que pense l'autre. L'aventure est parfois difficile
mais combien de rencontres faites ainsi? Le bus, c'est rassurant mais c'est
triste. Si on veut vivre d'autres aventures, il faut provoquer le destin, alors
en route! Et déjà nous tendons la pancarte 'Santa Fe', distant
de 550 kms environ.
Après une attente de 20 mn, le minibus de Juan, retraité d'Ushuaia
nous amène jusqu'à Las Toscas, à 120 kms de là.
Après autorisation, nous plantons la tente dans un jardin d'enfants,
où nous nous endormons rapidement.