Rosario
est pour nous un passage obligé. Caroline, dont le père est d'origine
espagnole, a ici une cousine très éloignée, 'dont le père
était un cousin de sa grand-mère': la famille à la mode
de Bretagne, quoi!
D'elle, nous ne savons rien ou presque. Son nom, son adresse et une photo de
famille en main, nous finissons par trouver le numéro 5530 de la calle
Rodriguès. Entièrement barricadée, la maison fraîchement
repeinte dans un quartier de banlieue est apparemment inhabitée. Le coeur
battant, Caroline appuie sur la sonnette, ne sachant pas vraiment à quoi
s'attendre. Quelques minutes plus tard, un visage apparaît à travers
une petite ouverture de la porte d'entrée.
- Bonjour Madame, nous recherchons Elsa Lopez, entame Caroline.
- C'est à quel sujet? répond froidement une femme d'un certain
âge.
Et Caroline de lui expliquer le pourquoi du comment de notre visite. Demeurant
très froide et distante, nous comprenons mal cette méfiance exacerbée
de cette femme qui dit s'appeler Elsa. Entrouvrant bientôt la porte où
elle interdit le passage en se postant dans l'ouverture, Elsa est perplexe.
Elle reconnaît bien sûr les personnes de la photo que Caroline lui
présente mais reste de glace.
- La personne dont vous prétendez être la petite-fille, je n'en
ai jamais entendu parler, annonce-t-elle imperturbable.
Et Caroline de poursuivre en présentant maintenant une lettre d'une cousine
à elle, qu'elle dit également ne pas connaître! Yannick
tente d'intervenir, expliquant que nous n'aurions pas cette photo de famille
s'il n'y avait pas de lien de parenté. Mais rien n'y fait!
- Vous savez, dit-elle, de nos jours il se passe tellement de choses qu'il faut
se méfier. Je ne peux pas faire entrer n'importe qui chez moi! tranche-t-elle
imperturbable.
Nous
sommes dégoûtés! Avoir fait tant de kms pour se voir accueillis
ainsi, c'est du jamais vu! Jetant l'éponge, Caroline la remercie quand
même (de son accueil, sûrement!) et tente de récupérer
la photo sur laquelle la prétendue cousine s'attarde encore.
- Attendez quelques minutes, je vais téléphoner en Espagne, déclare-t-elle,
vous m'excusez mais je ferme la porte, je reviens tout de suite.
Nous sommes estomaqués par tant de délicatesse, pour peu, elle
nous aurait demandé nos passeports. On croit rêver!
Après 10 mn d'attente sur le pas de la porte, Elsa revient se confondant
maintenant en excuses.
- Vous savez, avec ce qui se passe de nos jours, ce qu'on entend à la
télé, on n'ose plus ouvrir à personne... Mais entrez, entrez!...
Alors comme ça, tu es la petite-fille de la cousine de Papa?... etc...
Mais le charme de la rencontre est définitivement rompu. Vivant avec
sa mère de 87 ans, elle-même émigrante espagnole, Elsa ne
cessera de tenter de justifier son accueil, dont elle a visiblement honte. L'échange
avec sa mère s'avérera presque plus intéressant.
Alors que la nuit est maintenant tombée depuis presque une heure et qu'Elsa
n'a pas arrêter de nous dire que la ville de Rosario était TRÈS
dangereuse nous tentons de forcer un peu son hospitalité. Sans grand
succès!
Vers 19h30, après un café, nous quittons finalement la fameuse
cousine qui nous laisse, sans regret apparent, affronter les périls nocturnes
de Rosario...
- Tenez, voici 2 billets de bus. Et ne dites pas que je ne voulais pas vous
laisser entrer, parce que....
C'est ça, bien sûr... Promis, on n'en parlera pas!