Réveillés
vers 7h00, la pluie qui n'a presque pas cessé de la nuit continue de
tomber en ce jour de fête du travail. Le jour se lève lentement,
et l'envie de sortir de nos sacs où nous avons bien chaud n'est pas grande...
Alors nous traînons un petit quart d'heure, puis deux... Pourtant, il
va bien falloir repartir, ranger le matériel mouillé et faire
du stop. Vers 8h15, alors que la pluie vient de cesser, nous en profitons pour
sortir le nez de la tente.
Quelques minutes plus tard, nous sommes sur la route n° 11 qui traverse
ce gros village aux routes de terre très sales. A peine 20 minutes d'attente
et Pablo, un routier de 43 ans nous fait monter dans son camion pour 5 heures
de route.
Nous essayons bien de discuter avec lui mais notre chauffeur met très
rapidement en place un monologue, fustigeant les politiques corrompus et espérant
un retour au pouvoir des militaires... 'Tous des cons, vive la dictature!'...
tout un programme! Débitant ses théories bien populistes à
un débit incroyable, nous ne captons que 5% de son discours. Et c'est
un chance car on évite ainsi les 95 autres pour-cent de conneries!!!
Avec lui, nous traversons des kms et des kms de terres cultivées, où
les habitations se font très rares. En nous dirigeant vers le sud, la
pluie s'est peu à peu apaisée mais les symptômes de l'hiver
austral sont bel et bien là! En 1000 kms, nous avons définitivement
perdu les températures clémentes du sud du Brésil. Adieu
donc les t-shirts et nous ressortons les polaires et vestes d'hiver que nous
n'allons pas quitter de sitôt. Caroline, elle, a vraiment froid et demande
même à Pablo de remonter le chauffage! Calé sur 80 km/h,
nous arrivons comme une horloge à 15h à l'entrée de Santa
Fe où il nous dépose.
Si l'Argentine va plutôt mal en ce moment, la crise économique
qu'elle traverse se fait plus particulièrement sentir dans les provinces
du nord d'où nous venons. Nous sommes bien loin de la (fausse) image
que nous avions de ce pays, presque aux antipodes, même! La saleté
des rues, l'état des routes et l'aménagement de la ville de Santa
Fe nous font plus penser à un pays en voie de développement. Si
le parc automobile comprend des voitures modernes, un pourcentage non négligeable
se compose de modèles qui font figure d'antiquités. Ainsi,
les R12 Renault et 504 Peugeot (construites ici jusqu'en 1993) nous apportent
un peu de nostalgie. Même les Ford Falcon (que l'on croyait "dis-pa-rues,
au coin de la rue"), sont ici monnaie très courantes, c'est dire!...
Très en retard sur la sécurité, de véritables 'poubelles'
circulent encore, sans feux, sans ailes, portes défoncées, et
voitures accidentées roulant à la vitesse d'une mobylette... Nous
n'en revenons pas! Même à Cuba nous n'avons pas vu de telles catastrophes
ambulantes!
Quant aux camions, nous préférons ne pas en parler tellement nous
sommes surpris. C'est 20, 30 voire même 40 ans en arrière que nous
sommes revenus. Porteurs avec ou sans remorque additionnelle, les chargements
saucissonnés à la 'comme j'te peux' sont impressionnants! Fumant
du feu de Dieu et pétaradant comme on peut l'imaginer, nous croyons rêver.
Quelle est loin en effet la fameuse image que nous avions de l'Argentine!...
Avec un taux de chômage qui se situe autour de 20%, certains argentins
vont même jusqu'à regretter le plein emploi de l'ère des
militaires. Pour maintenir le Peso argentin en parité avec le dollar
et endiguer une inflation affolante qui voyait, au début des années
8O, certains produits doubler de prix dans la journée (!!), des mesures
économiques drastiques ont été mises en place. La mondialisation
aidant, l'Argentine a beaucoup de peine à sortir le nez de l'eau, laissant
beaucoup de ses concitoyens sur le bord de la route.
Tous ceux avec qui nous abordons le sujet sont unanimes : "La situation
est très mauvaise, tout est très cher et il n'y a pas d'argent".
Le salaire moyen se situe en effet aux alentours de 350 pesos ( 2600 F), alors
que les prix sont à peu près ceux que nous connaissons en Europe...
mis à part ceux des voitures qui coûtent environ 50% de plus qu'en
Europe... Et après ça on s'étonne de voir rouler des voitures
dont on ne voudrait même pas dans une casse automobile chez nous!
Dans ce marasme général, il n'y a guère que le sud qui
s'en sorte mieux. Privilégiés par un régime fiscal très
intéressant, mis en place pour encourager une migration vers ces terres
que l'on veut repeupler ( il n'y a par exemple aucun impôt ni taxe de
prélevé en Terre de Feu ), nous aurons véritablement le
sentiment d'être dans un autre pays dès que nous atteindrons la
Patagonie. Mais les rigueurs du climat de ces terres australes repoussent nombre
de candidats à une fuite vers une vie meilleure. Aussi assiste-t-on actuellement
à une immigration 'inversée' d'enfants où petits enfants
d'immigrants venus d'Europe, faisant le chemin inverse de leurs ancêtres...
L'eldorado serait-il devenu européen?...