Petit-déjeuner dans la 'tente'
et nous rejoignons Bob qui nous offre un café. Et là, pendant
plus de 2 heures, il nous raconte sa vie de coureur des bois, truffée
d'anecdotes succulentes et de moments dignes des plus grands romans d'aventure.
S'il aime à se retrouver dans un confort véritable de retour à
son domaine, sa vie de prospecteur est de toute autre nature. Vivant dans la
forêt à la tête d'une équipe d'hommes entraînés
à travailler dans des conditions aux limites de ce qu'un homme peut endurer,
Bob est ici en dehors du folklore et des écrans de cinéma. Il
gagne ainsi sa vie et sait que toute erreur se paie cash. Le danger est omniprésent
et gare à celui qui l'oublierait.
Des situations limites, il en a connu des dizaines:« des erreurs de débutant », comme il dit, en se remémorant l'attente pendant 4 jours de l'hélicoptère qui devait ramener tente et nourriture quelques heures après avoir déposé les hommes en pleine forêt, par -40°C. Ou encore des « erreurs liées à la méconnaissance du matériel » quand, parti pour quelques heures avec le skidoo de son beau-frère, il passe à travers la glace du lac après avoir enclenché la marche arrière accidentellement. Il rejoindra un camp de base, entièrement gelé, après avoir passé près de 15 heures à lutter contre le froid.
-Quand tu es en hypothermie, tu te sens
bien, euphorique. Si tu te laisse aller, tu meurs sans t'en rendre compte, presque
heureux...
Il connaît ce monde hostile et vit avec toute l'année. Rien ne
le pique plus que lorsque l'on lui dit qu'il a amené la ville sur son
territoire.
-OK, j'ai l'électricité que je fabrique avec mes génératrices
diesel; OK, j'ai l'eau courante que je pompe dans le lac; d'accord, j'ai la
télé, le satellite et le téléphone satellite. Mais
je vis ici moi!!J'viens pas 2 ou 3 mois dans l'année pour vivre mon p'tit
trip, pis après j'm'en r'tourne à la ville! Et quand j'vais dans
l'bois, c 'est pas mon p'tit cinéma que j'me fais! J'y vais pas
pour apprendre à m'connaître, je sais qui je suis,moi! Si y a des
gens que ça amuse, OK, j'ai rien à dire là-dessus, mais
tâbârnâk, qu'on me laisse vivre!! Sans compter qu'ils sont
parfois bien contents de le trouver mon téléphone satellite.
Câlice! Il ne rigole plus, Bob, quand des folkloreux absents du paysage 9 ou 10 mois de l'année viennent lui apprendre ce qu'il faut faire ou ne pas faire sur un terrain qu'il connaît mieux que personne!
Nous partons en
début d'après-midi pour une petite balade dans les Monts Groulx.
Promenade qui nous amène à travers les bois, sur les traces de
martre, lièvre ou autre animaux. Nous pouvons aisément suivre
ces traces car à cette altitude peu élevée (800m) mais
sous cette latitude, proche du 52è parallèle, nous nous retrouvons
vite à marcher sur 2-3 cm de neige. Nous montons jusqu'au Lac Castor
que nous trouvons complètement gelé!
En redescendant, nous rencontrons l'archétype de La Cabane au Canada.
Bâtie près d'une rivière en pleine forêt, ce coquet
chalet fait de rondins possède un charme fou. Ouvert à tous, la
seule contribution demandée est de tenir l'endroit dans l'état
où vous le trouvez, et de s'astreindre aux corvées de bois et
de déneigement.... Le paradis sur terre, en quelque sorte!